mercredi 16 avril 2008

2) Hypothèses confirmées, jugement ébranlés



C’est donc fort du bagage décrit précédemment que je pris connaissance des trois essais qui composent ce livre et me suis vu forcé de réviser certaines de mes positions, de renoncer à quelques postulats, d’approfondir ma vision des choses et ce, pour deux raisons principales : d’abord à cause du contenu même des trois essais ; mais également parce que j’ai dû examiner avec soin (préparant cette postface), un dossier dont je ne pouvais parler auparavant qu’à travers mon chapeau.

Mon hypothèse est la suivante : le livre actuel sera accueilli de la même façon que les précédents et se verra opposer les mêmes arguments et/ou fin de non recevoir. Aussi ferai-je précéder les réflexions que m’inspirent les Essais sur l’imprégnation fasciste au Québec de quelques considérations sur les critiques passées, qui pourront nous être utiles ultérieurement.

Il faut d’abord que je l’admette : je m’étais trompé, débat il y a eu, mais faux débat, les panelistes rivalisant d'arguments (toujours les mêmes) pour condamner une accusée absente du prétoire. On trouvera à la fin la liste des textes examinés.

De mes lectures ressort la proposition suivante : Esther Delisle a mis au jour des réalités qu’on aimerait mieux ne pas se rappeler, ne pas reconnaître, ne pas se faire mettre sous le pif ; mais si on se contentait simplement de discuter, de réfuter, de rejeter après examen les idées qu’Esther Delisle professe vraiment, le dommage ne serait pas si grand.

Le hic, c’est qu’on lui prête également des idées et des intentions qu’elle n’a pas ; c’est surtout qu’on lui tient rigueur à elle de ce qu’au Canada anglais certains utilisent ses thèses réelles ou supposées pour déprécier le Québec et les Québécois. L’« effet Delisle » n’a pas fini de se faire sentir.

La critique la plus fouillée se rapportant aux livres d’Esther Delisle a paru dans L’Agora en juin 1994. Elle est l’oeuvre de Gary Caldwell. De la charge de M. Caldwell, je retiens surtout ceci : s’il est vrai, ainsi qu’il le prétend, que la thèse de Mme Delisle comportait de nombreuses failles méthodologiques, comment se fait-il que trois membres sur cinq du jury l’aient acceptée ? L’explication de M. Caldwell : l’Université Laval « s’est permis d’être sujette à des pressions idéologiques », l’Université Laval « s’est rendue à ces pressions de crainte de passer pour antisémite » :

En acquiesçant à un travail académique qui, sans fondement suffisant, qualifie les principaux courants du nationalisme canadien-français d’antisémitisme virulent et quasi-fasciste au point de ressembler à du Nazisme, l’université Laval est coupable de déloyauté envers la communauté qui l’a fait naître, le Canada français (
1).

Un peu plus et le mot « trahison » était lâché ! En fait, je suppute que le seul qui craint de passer pour antisémite (et assurément, il ne l’est pas), c’est M. Caldwell lui-même. Car qui croit-il tromper en accusant l’Université Laval de déloyauté, alors que ceux qui sont visés, ce sont, ce ne peuvent être (sinon il faut mettre en doute leur indépendance académique), que les trois membres du jury qui ont accordé à la thèse d’Esther Delisle un vote favorable, soit Jacques Zylberberg, James Thwaites et Henry Weinberg ?

Ce sont ces trois individus qui ont accepté la thèse de Mme Delisle, non pas la vague entéléchie que M. Caldwell appelle, prudemment, l’Université Laval ! Le recteur de l’Université Laval aurait-il autorité pour obliger les jurys à voter contre une thèse qui lui paraîtrait politiquement incorrecte ? Zylberberg, Thwaites et Weinberg ? Ce qui voudrait dire que les trois personnes qui ont voté en faveur de la thèse étaient anglais et/ou juifs, que les deux qui ont voté contre étaient francophones (et peut-être catholiques pratiquant) ?

Ce qui nous ramènerait, hélas ! cent fois hélas ! à mon jugement téméraire énoncé au début : pour Esther Delisle, les Canadiens anglais et les Juifs ; contre Esther Delisle, les vrais Québécois ? Eh bien !... non.

Il n’y a pas plus francophone que M. Zylberberg, qui est cependant né de parents juifs, a perdu sa mère à Auschwitz, a été adopté par des parents belges qui l’ont fait baptiser. Docteur de l’Université catholique de Louvain, M. Zylberberg a été titulaire de la chaire Mgr Jacques Leclerq. Juif ou catholique, le loustic ? Je laisse le lecteur décider.

Quant à M. Thwaites, il est anglican, mais bien que de langue maternelle anglaise, il parle un excellent français et est professeur titulaire au département des Relations industrielles de l’université Laval. Seul M. Weinberg est bel et bien juif.

Mais trève d’inquisition, nous ne voulons ni ne pouvons expliquer les votes de MM. Zylberberg, Thwaites et Weinberg par leur origine ethnique, leur langue maternelle ou leur confession religieuse. Mais au-delà de la langue, de la race et de la religion, s’agirait-il donc de trois affreux fédéralistes ? Opposés à deux charmants séparatistes ?

Je n’en sais rien et je ne veux pas le savoir. Remettre en question la bonne foi, l’impartialité, la compétence des trois hommes qui ont voté pour la thèse, ce serait remettre en question la bonne foi, l’impartialité et la compétence des deux hommes qui ont voté contre. Et vice-versa.

À moins que quelqu’un puisse prouver à la face du pays qu’on n’était honnête, impartial et compétent que d’un seul côté du tribunal. Pour ma part, je n’ai aucune raison de mettre en doute la probité, l’impartialité et la compétence de Guy-Antoine Lafleur et de Pierre Anctil. J’en conclus par conséquent que la thèse de Mme Delisle était assez solide pour être approuvée à majorité par un jury de cinq membres tous de bonne foi, impartiaux et compétents.

Pourtant, depuis 1994, l’opinion de M. Caldwell, devenue la Bible des anti-Delisle, revient tel un mantra dans les critiques négatives (elles le sont toutes). Caldwell l’a dit : la thèse d’Esther Delisle ne tient pas debout. Dans son compte rendu de Mythes, mémoire et mensonge, Louis Cornellier, du Devoir, assène à ses lecteurs l’article principal du petit catéchisme :

« Seulement, pour mémoire, je rappellerai qu’à la suite de la parution de son précédent pamphlet (qui était aussi, à peu près, une thèse de doctorat !), Le Traître et le Juif, Delisle avait subi une critique en règle mais rigoureuse de la part du sociologue Gary Caldwell, laquelle critique invalidait l’essentiel du travail de la chercheure à ce moment [...] ».(
2)

Dans une réplique publiée quinze jours plus tard, Esther Delisle rétorque qu’en se basant sur Gary Caldwell pour la discréditer M. Cornellier rate la cible, M. Caldwell s’étant rétracté. À la critique selon laquelle ses écrits ressortent du domaine de la chasse aux sorcières motivée par son aversion pour le « le nationalisme québécois », elle répond qu’elle laisse à d’autres « le soin de débattre du nationalisme québécois » et ajoute un peu plus loin qu’elle n’a « jamais contesté le droit des élites canadiennes-françaises d’obédience nationaliste et fédéraliste de fonder leur espérance sur les écrits d’un nazillon du style de Lionel Groulx. Je n’ai jamais fait plus qu’exprimer ma perplexité devant pareil choix. » (
3) Suivent deux citations du chanoine.

Huit jours plus tard paraît, toujours dans Le Devoir, une lettre de Jacques Dufresne. Mme Delisle s’égare : M. Caldwell ne s’est pas rétracté, mais pas du tout ! Il n’a fait que rectifier des points de détail. Parlant du texte incriminé, M. Dufresne écrit :

Cet article de 15 000 mots, paru simultanément dans L’Agora et dans Literary Review of Canada, en juin 1994, a été lu par la plupart des chercheurs en sciences humaines au Canada anglais et au Québec et, à notre connaissance, il n’a jamais été réfuté, ni même contesté par un représentant digne de foi de la communauté scientifique. Le jugement très sévère de monsieur Caldwell doit donc être considéré comme le jugement définitif. (
4)

Nous voilà donc revenu à notre point de départ ! M. Dufresne entérine le jugement de M. Caldwell, à savoir que l’Université Laval « s’est permis d’être sujette à des pressions idéologiques », l’Université Laval « s’est rendue à ces pressions de crainte de passer pour antisémite ». L’Université Laval étant représentée en l’occurence par MM. Jacques Zylberberg, James Thwaites et Henry Weinberg d’une part, par MM. Guy-Antoine Lafleur et Pierre Anctil d’autre part, M. Dufresne (vu qu’il s’accorde avec MM. Lafleur et Anctil, soutenus par M. Caldwell, sur le fait que la thèse d’Esther Delisle aurait dû être refusée) remet en question la bonne foi, l’impartialité et/ou la compétence de MM. Zylberberg, Thwaites et Weinberg.

J’en mets trop ? O.K. ! Mon autre hypothèse, c’est que le philosophe Jacques Dufresne se fait ici le propagandiste d’une cause plutôt que l’apôtre d’une vérité. Ce serait là, vraiment, l’abomination de la désolation, je préfère donc croire que le philosophe Jacques Dufresne est vraiment persuadé de la mauvaise foi, de la partialité et/ou de l’incompétence de trois des cinq membre du jury de l’Université Laval, qui, en ce jeudi orageux de septembre 1992, accordèrent une vote favorable à la thèse d’Esther Delisle.

Comme M. Zylberberg persiste et signe dans le récent film d’Eric Scott, Je me souviens, j’attends que viennent confesser publiquement leurs fautes les deux autres jurés, qui sont sans doute, jusqu’à preuve du contraire, des représentants dignes de foi de la communauté scientifique.

L’Épitre de Caldwell aux Canadiens est décidément une référence incontournable. Pierre Trépanier, dans sa critique du film d’Eric Scott, écrit ceci dans Le Devoir du 7 mai de cette année (2002) :

Mme Delisle n’a jamais compris que les réticences des spécialistes à son égard s’expliquent par la piètre qualité scientifique de sa thèse de doctorat, appréciation sur laquelle tombent d’accord le sociologue Gary Caldwell [évidemment !], le politologue Guy-Antoine Lafleur et l’historien Gérard Bouchard. Je partage l’opinion de ces collègues.(
5)

Les réticences DES spécialistes ? Qu’en pensent Zylberberg, Thwaites et Weinberg ? Mais coudon’... M. Bouchard, appelé à la rescousse de Caldwell et Lafleur (sans oublier Dufresne), qu’avait-il dit au fait ? Ceci :

Le livre publié par Esther Delisle est une mauvaise thèse, dépourvue de nuances, qui visait plus à régler des comptes [lesquels ?] qu’à faire comprendre un personnage complexe [Groulx] dont la pensée révèle des ambiguïtés. Avec raison aussi, on a pu reprocher à cette auteure de s’être montrés sélective dans le traitement des textes et d’avoir commenté des extraits hors contexte. Il n’en reste pas moins que plusieurs écrits de Groulx véhiculent aujourd’hui de très fâcheuses évocations. (
6)

Je parierais ma chemise (brune ou bleue ?) que M. Bouchard, référence de M. Trépanier, avait lui-même comme référence première un certain texte d’un certain Gary Caldwell. La vérité révélée remonte dans les canaux du savoir telle une sève suave.

Mais nous nous heurtons toujours au même écueil : comment se fait-il donc que Zylberberg, Thwaites et Weinberg ne se soient pas aperçus que la thèse était mauvaise ? Comment se fait-il qu’eux, les premiers intéressés, ne se soient pas trouvés parmi les « on » qui ont « pu reprocher à cette auteure de s’être [...] et d’avoir [...] » ?

Parce qu’ils étaient, ce que laissait entendre M. Caldwell en 1994, ce que tout le monde qui se réfère à Caldwell reprend à son compte : de mauvaise foi, partiaux et/ou incompétents ? Ou, peut-être... fédéralistes ? Anti-Québécois ? J’ai trouvé : des clones de Mordecaï Richler !

Heureusement, Gérard Bouchard ne se laisse pas embrigader aussi facilement dans la clique des unanimistes et se montre envers Groulx d’une sévérité tout à fait réjouissante :

[...] d’autres aspects de son oeuvre [que celui d’éveilleur de la nation] suscitent un profond malaise et le disqualifient comme figure emblématique du nationalisme actuel. On parle en effet d’un homme qui a proposé de la nation une définition quasi ethniciste, qui est l’auteur d’énoncés antisémites, qui a manifesté des sympathies fascisantes, qui démontrait très peu d’enthousiasme pour la démocratie et qui, par souci de la pureté nationale, est venu bien près de donner à ses idées des racines carrément biologiques. Pourquoi s’employer aujourd’hui à passer ces faits sous silence ou à les nier, ou encore à les légitimer ? (
7)

Oserons-nous affirmer que dans ce passage de sa conférence, M. Bouchard, référence de M. Trépanier, dont une autre référence est l’inévitable M. Caldwell, se montre d’accord avec la mauvaise thèse de Mme Delisle ? Nous l’affirmerons.

Il n’y a donc pas à désespérer. Esther Delisle n’aura pas complètement perdu son temps. Delisle et Bouchard, même combat ! Bien sûr, M. Bouchard ne vise pas exactement les mêmes objectifs que Mme Delisle et ne propose qu’une peine légère à purger dans la communauté. Il reste qu’ils font le même procès et condamnent le même prévenu.

On me dira que ce que dit Bouchard à propos de Groulx, il le savait bien avant de lire Delisle, qu’il n’a d’ailleurs pas lue ! Mais alors, s’il le savait avant, c’est que tout ça (on nous permettra de ne pas détailler ici ce que le mot « ça » désigne), c’était déjà de notoriété publique, ou du moins de notoriété universitaire ? Pourquoi alors condamner Delisle tout en épargnant Bouchard ?

Tendant l’oreille, j’entends les réponses : « Oui mais... ce que Delisle dit, c’est que les nationalistes canadiens-français, c’est que le Canada français tout entier, c’est que tous les indépendantistes sont fascistes ! La preuve, c’est que Mordecaï, etc. ! Bouchard, lui, c’est pas pareil, comme la plupart des critiques de Delisle, il admet simplement qu’on trouve effectivement chez Groulx des textes qui laissent croire que, etc.

Esther Delisle n’a jamais écrit nulle part que le Canada français était fasciste. Elle s’est contenté de traquer les fascistes canadiens-français.

— Bin oui, mais !... Ça, ça fait plaisir aux ennemis du Québec !

— Et puis après ?

— Bin oui, mais !

Aussi bien indiquer la cage d’escalier à un cul-de-jatte…

À défaut de répondre aux arguments exposés par Esther Delisle, les objecteurs, sans toujours se référer au nouveau Nouveau testament, c’est-à-dire à l’évangile de Gary Caldwell, l’entourent d’un discret cordon sanitaire ; et parfois sans se donner le mal de mentionner le nom de la pestiférée contre laquelle il veulent protéger leurs lecteurs menacés. Dans un article du 13 novembre 1996, Jacques Rouillard, professeur au département d’histoire de l’université de Montréal, écrit :

Dans l’analyse que certains auteurs [c’est moi qui souligne] font du fascisme et de l’antisémitisme chez les francophones au cours de cette période, il y a malheureusement le réflexe d’identifier le Canada français à ses tendances les plus conservatrices, soit à certaines revues et à des journaux comme Le Devoir et L’Action catholique de Québec. (
8)

« Le réflexe », dit M. Rouillard. Le réflexe de qui. ? Qui sont donc les « certains auteurs » dont il évoque l’existence ?

Moi, je crois que se trouve dans la ligne de mire de M. Rouillard une cible unique, qui n’a jamais eu, contrairement à ce qu’il prétend, le prétendu « réflexe d’identifier le Canada français à ses tendances les plus conservatrices ». En fait, parmi tous les textes que j’ai consultés, un seul prend acte du fait qu’Esther Delisle se défend bien « de s’en prendre à tout le Canada français ». Citant l’auteure, Pierre Vennat, qui commet par ailleurs l’erreur de qualifier de pamphlet le livre dont il parle (Le traître et le Juif), écrit ceci :

Groulx, l’Action nationale, les Jeune Canada, Le Devoir représententun courant idéologique minoritaire dans le Canada des années trente [...] ». L’historienne rappelle, par exemple, que La Presse, non seulement n’a jamais cédé à ce courant antisémite, mais qu’au contraire, elle a eu, au tournant du siècle, un rédacteur en chef juif, Jules Helbronner. (
9)

Cinq jours après celui de M. Rouillard, Le Devoir publie un texte de Béatrice Richard, candidate (à l’époque) au doctorat en histoire à l’UQÀM. Mme Richard écrit ceci :

Nul doute que l’élite nationaliste des années 30-40 ait flirté avec des idéologies peu recommandables. Mais des historiens crédibles [c’est moi qui souligne] comme Pierre Anctil ont suffisamment fait la lumière sur cette question, avec toutes les nuances qui s’imposent, pour que je m’y attarde. Ce qui m’intéresse ici, c’est la majorité silencieuse. Non l’élite. (
10)

Mme Richard suscite dans mon cerveau dérangé une véritable crise de paranoïa : bien sûr que M. Anctil est un historien crédible ! Mais qui sont donc ces historiens non-crédibles, qui, elle, pardon ! ... qui eux n’auraient pas fait la lumière ?

Vite, avalons un anti-psychotique et retrouvons, comme disait Brassens, les dehors de la civilité. Il ne peut pas s’agir de Mme Delisle, cette dernière n’étant pas historienne mais politicologue. Ouf ! Mme Richard s’attaque donc à un quelconque ectoplasme. Elle dit par ailleurs ne s’intéresser qu’à la majorité silencieuse. C’est son droit. Mais faut-il pour autant interdire à d’autres candidat(e)s au doctorat ou mêmes aux candidat(e)s reçu(e)s, de s’intéresser, même s’ils ne sont pas des « historiens crédibles », aux minorités bavardes ?

Dans d’autres cas, le contraire se produit, on fustige Esther Delisle en la nommant, mais sans faire état du procès auquel elle aurait préalablement été soumise. Ni de la sentence imposée à la coupable par un tribunal qui demeure occulte. La peine n’ayant sans doute pas encore été appliquée, n’importe qui peut se faire bourreau d’occasion.

Au moment de ce qu’il est convenu d’appeler l’ « Affaire Michaud », Stéphane Stapinsky écrit ce qui suit dans sa réponse à deux articles de Lysiane Gagnon : « À mon grand regret, je dois vous dire que je n’ai jamais vu autant de bêtises, autant d’affirmations non fondées en si peu de lignes ! Vous battez presque Esther Delisle sur ce chapitre ! »

Mme Gagnon avait probablement (je n’ose écrire « sûrement », n’ayant pas lu ses textes) affirmé à propos de Lionel Groulx, des choses qui ne faisaient pas l’affaire de M. Stapinsky, qui s’y connaissait sans doute davantage que la chroniqueuse de La Presse puisque qu’il avait travaillé « depuis une dizaine d’années sur Groulx. »(
11)

Ne possédant pas pour ma part les titres académiques qui me permettraient de trancher savamment entre les mérites respectifs de Mme Gagnon et de M. Stapinsky, je me contenterai simplement de noter que celui-ci ne résiste pas, pour condamner celle-là, à la tentation d’agiter devant les lecteurs plus ou moins informés un épouvantail appelé Esther Delisle. Ce qui me fait tomber illico dans le camp de Mme Gagnon (sans avoir eu à lire ses textes). Merci, M. Stapinsky !

Comment le livre actuel sera-t-il accueilli ? Comme les deux précédents. Esther Delisle a perdu au Québec (je généralise à outrance) toute crédibilité. On attendait cet ouvrage avec une brique et un fanal, on va le descendre en flammes. Dans les milieux éclairés (par le fanal), on avait d’ailleurs déjà décidé, le passé étant garant de l’avenir, que le titre annoncé ne pouvait être qu’un tissu de sottises publiées dans le seul but de nuire au Québec français. L’ « effet Delisle » se faisant encore sentir, certains critiques auraient rédigé leurs comptes rendus éreintants avant même d’avoir lu le bouquin que ça ne m’étonnerait guère.

Pourquoi alors, me demandera-t-on, me faire l’avocat d’une cause perdue ? Je vous répondrai que tout ça c’est la faute à mon éditeur, qui m’a prié, il y a peu, de prendre connaissance des trois essais que vous venez de lire.

Le bougre, qui me connaît bien, avait sûrement sa petite idée derrière la tête ; et je ne l’ai sûrement pas étonné quand je rappliquai dans ses bureaux en lui lançant que je me sentais vivement interpellé. Nous avons discuté, puis est venue, de sa part ou de la mienne, l’idée d’une postface. Encore fallait-il obtenir l’accord de l’auteure, qui n’a pas l’habitude d’appeler à la rescousse des amateurs dans mon genre.

Il ne s’agissait pas d’ailleurs de secourir ou cautionner qui que ce soit, il s’agissait plutôt pour moi d’un devoir impérieux, d’une nécessité, auxquels je ne pouvais me soustraire ! Je suis d’ailleurs infiniment reconnaissant à Esther Delisle d’avoir permis que son ouvrage soit lesté, sans qu’il y eût la moindre nécessité, de ma petite postface inutile.

Mais venons-en au fait.

[1] Gary Caldwell, « La controverse Delisle-Richler. Le discours sur l’antisémitisme au Québec et l’orthodoxie néo-libérale au Canada », L’Agora, juin 1994, vol 1, no 9.

[2] Louis Cornellier, « Recherche historique et chasse aux sorcières »,
Le Devoir, 5 août 1998.

[3] Esther Delisle, « Puissant poncif », Le Devoir, 20 août 1998.

[4] Jacques Dufresne, « L’honnêteté intellectuelle de madame Esther
Delisle », Le Devoir, 28 août 1998.

[5] Pierre Trépanier, « Un film qui joue avec la vérité », Le Devoir, 26 mars 1997.

[6] Gérard Bouchard, « Le Québec et la diversité », Le Devoir, 26 mars 1997.

[7] Ibid.

[8] Jacques Rouillard, « Le Québec était-il fasciste en 1942 ? », Le Devoir, 13 novembre 1996, p. A7.

[9] Pierre Vennat, « Le pamphlet d’Esther Delisle : La démythification d’un monument national », La Presse, 8 novembre 1992.

[10] Béatrice Richard, « De simples soldats », Le Devoir, 18 novembre 1996.

[11] Stéphane Stapinsky, « Vous avez dit : “pléthore de commentaires férocement antisémites” ? », La Presse, 21 décembre 2000.

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